La tirade pour Pavel
PAVEL DUROV MIS EN EXAMEN
C’est un comble, messieurs ! Quoi ? Lui reprocherait-on
De n’avoir point tremblé sous le joug du bâillon ?
Accusé d’un forfait, parce qu’il tient la bride
Du langage des âmes, et non des scélérats ?
Voyons ! Vous auriez pu, devant ce magistrat,
Multiplier les griefs, au lieu de cette tirade !
- Modéré : « Ce Durov, messieurs, trop libre, il nous effraie,
Nous ferions bien d’en faire un exemple, c’est vrai. » - Agressif : « Qu’il soit jeté aux fers, ses messages il trame,
Il arme les esprits, quand son verbe se clame ! » - Curieux : « Mais pourquoi, Pavel, t’entêtes-tu donc ainsi ?
Qui te paye ? Quels complots, avec qui ? Et où donc ? » - Cynique : « Oh, qu’importe ! Voyez-vous ce gaillard,
Croire qu’une simple app renversera César ! » - Pédant : « Le Code est précis : il faut une autorisation,
Pour créer tout un monde de communication ! » - Prévoyant : « Attention ! À trop défier le trône,
On se brûle ! À moins de se cacher sous la toge. » - Défensif : « Ah, messieurs, et si l’on fouillait dans ses coffres,
À quoi bon ? Son trésor est bien mince, ses offres… » - Amical : « Mais Durov, cher ami, ta croisade est vaine,
Rejoins nos rangs, évite ainsi la peine. » - Truculent : « Le voilà ce gaillard qui se joue des lois,
Qu’on le fasse descendre au cachot, sans effroi ! »
Et vous vous en tenez à ça ? Non mais, quelle sottise !
Accuser ce héros de vos propres bêtises !
Vous n’avez donc rien d’autre à lui reprocher,
Que de protéger des mots que vous n’aimez pas ?
Laissez-moi rire, messieurs ! Le verbe vous effraie ?
Mais c’est là sa beauté, son panache, son secret !
Cyrano je suis, et je le dis tout haut :
Le verbe est une arme, et il la manie, ce héros !
Mais de vous, mes amis, que doit-on donc penser,
Si le poids de ce verbe vous fait vaciller ?
Car en vérité, ce n’est pas lui qu’on accuse,
C’est bien votre faiblesse qui ici se refuse !
Et si vous le croyez à terre, écrasé sous vos lois,
Sachez que c’est un roc, un pic, une voix,
Que dis-je ? C’est un cri que nul ne saura taire,
Tant qu’il y aura des cœurs battants pour la lumière